Homéopathie et langage des abeilles

Le remède Apis mellifica est préparé à partir d’une trituration de l’abeille entière. Après expérimentation et relevé des symptômes induits sur l’homme sain, on peut lire sa marque spécifique sur chaque symptôme, c’est à dire son empreinte partout présente que les homéopathes appellent génie du remède. Pour Apis mellifica, c’est l'image du venin d'abeille qui envahit, occupe et maîtrise une plage de la substance vitale de l’homme, la partageant en deux secteurs d'inégale activité : un secteur où il y a un manque de réaction, un deuxième secteur où il y a un surcroît de réaction1. Sur la spirale de Moebius, cette empreinte s’écrit :

Apis

           Rapportée à l’insecte, cette simple empreinte -absence de réaction et surcroit de réaction- se révèle être derrière toutes les fonctions de l'insecte, elle conduit sa physiologie, ses comportements communautaires, son langage et jusque ses réalisations. Voyons d'abord comment ce génie s'affiche à travers le corps, à travers les mécanismes physiologiques puis nous verrons comment il anime les activités et les étapes de vie de l'insecte.

Apis mellifica et la morphologie de l'abeille

La tête rude, le plaquage thoracique compacté correspondent à une concentration raffermie (surcroît), tandis que l'abdomen mou et allongé étale son absence de rudesse (manque). Un pétiole très mince rattache l'abdomen au thorax confirmant le hiatus, une séparation relevé dans la dynamique du remède Apis mellifica.

Apis et les grandes fonctions de l'abeille

Pour apprécier le génie des grandes fonctions, je prélève quelques lignes dans un livre d'apiculture2 :

- Les tubes respiratoires de l'abeille sont "ventilés par des mouvements respiratoires de l'abdomen, mouvements que l'on peut observer chez l'insecte au repos et qui consistent en des allongements et des raccourcissements télescopiques de l'abdomen"3 Les surcroits de réaction de l’abdomen en bas compensent le manque de réaction des tubes respiratoire en haut.  

- "La circulation est faite d'une onde de contraction progressive qui parcourt le cœur en longueur, poussant en avant le sang, qui se répand dans la tête. Ceci provoque une diminution de la pression sanguine dans l'abdomen et, au contraire, une élévation de cette pression dans la tête, ce qui oblige le sang à s'écouler en arrière, dans la cavité du corps".4 La réaction accrue (B) à la tête entraîne une réaction diminuée (A) dans l'abdomen et inversement.

- Dans la cavité buccale "le pharynx peut se gonfler et se contracter, il se produit par un mouvement de succion, qui aide la nourriture à passer de la trompe à l'œsophage. Là, d'autres mouvements engendrent des ondes de contraction qui font parvenir le nectar absorbé dans le jabot, dilatation où il est emmagasiné un certain temps..."5 avant d'être régurgité pour d'autres usages. Ici comme ailleurs, un surcroît de réaction (B) du pharynx aide au manque de réaction (A) vers l'œsophage.

Apis mellifica et la vie de l'abeille

Les spécialistes ont démontré que lorsque la température ambiante descend au-dessous d'un certain seuil, les abeilles se serrent ensemble, elles forment une boule compactée autour des réserves de miel. Celles du centre mangent le miel et produisent de la chaleur qui protège l'essaim : "les pertes de celui-ci peuvent être contrôlées par sa dilatation et sa contraction, en association avec l'accroissement ou la diminution de la consommation du miel".6 Le rapport avec le génie d'Apis mellifica est évident. Moins il fait chaud et plus l'essaim se gonfle d'autres abeilles et consomme du miel. Le manque de chaleur (A) entraîne un surcroît de réaction (B). L'image est celle d'une qualité qui croît à mesure qu'une qualité contraire diminue. Le rapport est inversement proportionnel.

Gardons à l'esprit cette équation. Elle aide à saisir le mode de vol effectué par les jeunes abeilles : "lorsqu'elles sont en l'air, elles volent d'abord à reculons, tournées vers la ruche, mais en faisant des cercles de plus en plus grands, jusqu'à ce qu'elles aient atteint une certaine ligne de vol pour tourner autour de leur demeure en des spirales croissantes"7 Les cercles de vols grandissent jusqu'à un certain hiatus programmé dans leur comportement, qui inverse la direction du vol. Ainsi, lorsque la course circulaire atteint son point limite, l’abeille se retourne pour plonger dans l'espace inverse, elle exprime ainsi sa pleine parabole faite de deux boucles inversement proportionnelles disposées dos à dos, une spirale représentative du génie d'Apis mellifica.

Les étapes du vol sont complètement automatiques, aussi représentatives du génie d'Apis mellifica avec le manque et l'excès, que celles qui procèdent à la fabrication de l'invertase (enzyme permettant l'inversion ou le dédoublement du sucre), des deux sortes d'alvéoles (grandes et petites), des deux séries de ponte (œufs fécondés et œufs non fécondés), que celles des "périodes de travail brèves, interrompues par des allées et venues et des temps de repos"8 ou encore celles qui règlent les fameuses danses dites langage des abeilles. Un mot là dessus.

Apis et le langage des abeilles

Lorsqu'une abeille trouve un gisement de pollen ou de nectar, elle revient à la ruche et effectue une danse d'indication compliquée pour renseigner la colonie. En gros, elle accomplit une danse en rond quand le lieu de butinage est proche, mais quand celui-ci est éloigné, donc à partir d'un certain seuil, elle forme un huit puis le traverse au centre en agitant fortement son abdomen sur les côtés. La figure tracée indique ainsi la distance, l'orientation, la durée du trajet et jusqu'à la quantité de nourriture : "plus la durée de la danse est longue, pendant que le nombre de figures réalisées dans l'unité de temps diminue, et plus le lieu de récolte est éloigné9.

Le temps de la danse, ou son corollaire, le nombre de déambulations faites dans l'unité de temps, reviennent à une vitesse d'exécution et celle-ci est inversement proportionnelle à la distance du parcours. L'opération est mathématique. Une qualité s'allonge (B) quand son inverse se resserre (A). Bien sûr, l'abeille n'a aucun pouvoir de déduction, elle obéit à un réflexe génétique, qui est une loi de l'harmonie. Elle traduit le rapport analogique existant entre le temps et la distance, laquelle distance est un intervalle d'espace, et, l'espace est, selon l'expression de Bachelard "du temps comprimé". La danse de l'abeille indique donc que plus le temps d'exécution est lent, comprimé (A),et plus la distance contenue dans l'intervalle est grande, allongée (B).

L'orientation vers le stock à pollen s'effectue par rapport à la position du soleil. L'angle "formé par la droite abaissée du soleil au centre de la ruche et par l'axe médian de la spirale" s'ouvre ou se ferme selon le déplacement du point d'approvisionnement en fonction de la course du soleil, considérée depuis une verticale au zénith. Une variable (A) dépend d'une variable (B), le génie est respecté.

En résumé, le corps, les fonctions, les comportements et toutes les autres manifestations vitales de l'abeille, pour aussi diversifiées et extraordinaires qu'elles paraissent, sont, toutes, invariablement, marquées du génie d'Apis mellifica. Cela veut dire que toute la vie de l’abeille est bouclée sur son génie.

Application : un cas clinique d’Apis mellifica

Renzo, 17 ans, à la suite d'un choc crânien au cours d'un match de football, il y a un an, souffre de migraines particulières. Chez lui, le mal commence par des fourmillements au niveau des deux mains puis apparaît, de façon symétrique, une mollesse, avec lâchage des objets, suivie de parésie qui remonte aux avant-bras, aux bras, à la nuque et à l'ensemble de la tête. Arrivée là, la symptomatologie donne suite, très rapidement à un très violent mal de tête, comme si toute la boite crânienne allait éclater. La céphalée dure quelque temps puis le mal descend aux deux membres inférieurs, toujours des deux côtés, jusqu'aux pieds, sous forme d'insensibilité, puis de paralysie qui durcit ses membres inférieurs. Renzo est alors saisi de vomissements et de diarrhées incoercibles. Ensuite, il est frappé d'aphasie pendant deux jours. Passé ce délai, il se ressaisit, parle normalement mais il ne se rappelle de rien, plutôt il n'a aucune mémoire de ce qui s'est passé pendant les deux jours d'aphasie.

Renzo, examiné par des spécialistes hospitaliers, a eu scanner, ponction lombaire, électroencéphalogramme, bilan sanguin, etc., tout est normal. Diagnostic retenu : migraine accompagnée. Traitement banal : antalgique, antimigraineux.

En modalisant quelques symptômes sur le Kent, on isole Apis mellifica (oublieux pendant les céphalées (page 76), diarrhées pendant les vomissements (page 644), engourdissement membres inférieurs (page 1277), etc.

En regardant de près le déroulement des crises, on peut aussi constater que le génie d'Apis mellifica est présent. Il y a, en effet, un temps sans réaction A (mollesse, lâchage des objets, parésie des membres supérieurs) suivi d'un temps avec surcroît de réaction B (très fort mal de tête) puis à nouveau un temps sans réaction A (insensibilité et parésie des membres inférieurs) suivi d'un temps de surcroît de réaction B (diarrhées et vomissements) puis à nouveau un temps sans réaction A (aphasie, perte de mémoire). Le remède qui convient est bien Apis mellifica, lequel, donné en 9 CH pendant un mois (avec Natrum sulfuricum pour le traumatisme crânien et Rhus toxicodendron pour une agitation constitutionnelle) a aboli les crises. Sans le Kent, il était difficile de remonter au remède mais une fois retenu, le génie d'Apis mellifica apparaît très clairement.

Concluons. Il y a quelques années, terminant mon texte sur Apis mellifica, je restais songeur, captivé par ce que je découvrais. Une même source –un manque de réaction ici, un surcroît de réaction là- se distribue partout, je le répète, dans chaque geste de l’abeille et dans tous ceux de sa communauté. Ainsi se crée un univers, leur univers. Un univers pour une vie multipliée. Notons ceci : l’empreinte d’un remède issu du règne minéral est grossière, archaïque, quasi-inerte (exemple Natrum muriaticum avec une force qui coupe en deux moitiés inverses et une force qui fixe les deux moitiés inverse), l’empreinte issue du règne végétal contient, elle, l’idée d’un début de mouvement (exemple Rhus toxicodendron avec force d’immobilisation invisible ici et, en contrepartie, une force d’agitation visible là), l’empreinte d’un remède extrait d’un animal, fut-il un insecte, est toujours mieux nantie que les précédentes, on y perçoit une forme d’organisation, de liens avec l’environnement, d’échanges avec la nature comme nous venons de le voir avec Apis mellifica. Une gradation perceptible à travers le contenu des empreintes homéopathiques. J’y reviendrai dans une autre commuication. Pour l’heure et pour finir, je rapporte ci-dessous le texte in extenso, déjà présenté ailleurs, que la magique Apis mellifica m’a transmis.

"Je suis Apis, né des larmes de Râ, chutées sur terre pour semer des petits bouts d'esprit, corporifiées en êtres de feu. Ma nature véritable est imperceptible, je suis un fragment du verbe divin, venu tracer une part du chemin jusqu'à la maison de vie.

Les belles âmes du temps jadis avaient saisi le sens de mon génie, j'étais un éclat dans leur cœur et cela me remplissait de contentement. Ah! je me souviens combien belle fut ma gloire! Ma présence évoquait la source, mes manifestations suscitaient l'entendement, mon nom était honoré depuis les vallées d'Alexandrie jusqu'aux frontières du Cachemire, j'étais chanté en Chaldée, à Éleusis, à Éphèse, mes qualités étaient même parvenues devant les portes closes de l'Occident, l'Égypte des Pharaons me désignait comme modèle royal. En ce temps-là j'habitais chez les connaissants du monde, je me plaisais à m'y regarder être vu, je me voyais grandir dans une haute lumière qui m'attirait et qui, elle-même, grandissait à mesure que je m'y laissait conduire. En ce temps-là, la sagesse avait des yeux.

Puis, au fil des âges, le regard des hommes s'est terni, mon image s'est dissipée, seuls mes exercices du dehors excitent encore quelques attentions excessivement rationnelles des scientifiques, rarement celles, plus intimes, des vagabonds de l'esprit.

Je ne demande pas le recueillement des ignorants, je désire simplement pénétrer et me réchauffer dans les pensées de quelques personnes sensibles tant l'indifférence des hommes d'aujourd'hui me glace. Voyez-vous, je suis un morceau de vie qui doit ranimer sa flamme au souffle des intelligences supérieures comme votre espèce a besoin d'aspirer à un dépassement pour vivre.

Mais, trêve de manières, moi, l'être igné, l'infatigable rayon de vie, je veux vous révéler à moi-même, vous dire ma substance. Mon corps est indéfinissable, il apparaît multiple, presque indénombrable mais, quand je rassemble mes découpures, je suis d'une seule pièce, je redeviens noyau, je forme un essaim. Mon aisance physique ne me dispense pas d'avoir un foyer, c'est même un de mes conditionnements inévitables et, comme par ailleurs je ne suis pas non plus délivré du confort, j'élis volontiers domicile dans les agréables logis mis à ma disposition. Là, je dessine un cœur, je pose mes marques, je donne un centre à mon corps malléable. Dès que mes cellules reçoivent le code de notre chez moi, des vagues d'activité me parcourent, je ressens leur chaude effervescence s'attribuer des fonctions distinctes selon un plan parfaitement exécuté. Mes parties pleines s'excitent et me nourrissent dedans, mes colonnes défensives gardent le temple où se trouve la matrice de mon empreinte, mais surtout des boucles exquises partent de mes bases germinantes et s'aventurent dans l'espace enchanteur qui est le mien.

Rien ne me remplit plus de joie que ce spectacle! Une ligne seule, ou des bouquets de lignes, jaillissent dans l'air. Je vois leur trace brillante pénétrer dans les couloirs irisés de la lumière. Une unité résolue précède chaque trait, elle se dirige vers des myriades de lueurs qui scintillent là-bas. Rendues, elles s'y jettent avec gourmandise. Elles s'y trempent des heures durant, passant des corolles cristal aux couronnes couleur jour, elles changent parfois de lieu, elles vont butiner d'autres étoiles, d'autres constellations, sans répit, jusqu'à l'ivresse. A chaque saut, elles se gonflent d'une lumière un peu plus dense, puis, chargées, rayonnantes, elles reviennent illuminer leur source, c'est-à-dire ma substance, en suivant le fil doré, tiré tout à l'heure, à l'aller.

J'accomplis dans ce parcours plusieurs délicates missions. Je repère quelques couleurs des grandeurs disponibles, je choisis le parfum céleste contenu dans les ornements épanouis, j'amasse des douceurs légères mais aussi je transporte des caresses car je suis l'intermédiaire secret des amants fleuris, le porte-parole discret de leur intimité. Oui, j'explore, j'enivre, je me souviens, telle est ma tâche.

Je rapporte de mes voyages la saveur d'une flamme, de mes butinages l'envie de succulence, des noces florales le goût de l'aérien. Je retiens tout cela en moi, je mêle mon suc aux douceurs recueillies, j'y verse mes forces, mes rêves, mon saoul, je pénètre dans la composition labile, je m'y incorpore jusqu'à la transfiguration qui métamorphose une provision de feu vital en liquide doré. Ainsi, je distille pour les humains un accomplissement des dieux. Néanmoins, mon chef-d'œuvre est un délice invisible, il est dans le geste silencieux qui unit le végétal à l'animal et l'animal à l'homme.

Je sais encore pousser de longues litanies pour appeler la fraîcheur sur mes bourgeons fragiles, je sais reconnaître le mouvement du ciel qui fait voler mon âme et l'élève à la plus haute incandescence pour me permettre de m'engendrer moi-même dans un bain d'amour.

Lorsque je contemple mes manifestations, je me sens investi d'un message surnaturel. Oui, j'ai l'impression de révéler quelque chose de sacré mais je ne sais pas quoi au juste.

Peu importe, d'autres mieux placés que moi sauront. Moi, Apis mellifica, je dois accomplir pleinement, sans comprendre, sans erreur, un rôle qui m'a été dévolu. D'ailleurs, je ne faillis ni n'oublie mon devoir. Il est inscrit à l'essence indélébile dans ma trame immatérielle. Quand je cueille le nectar pour faire du miel, je fais œuvre de magie, je réalise une authentique transmutation de la matière grâce à une empreinte mienne. Quand je provoque un manque bénéfique aux fleurs pour faire un plein savoureux à l'homme, je réponds à mon génie propre qui est, qui restera toujours ceci : opérer le substantifique vide pour gagner un surcroît de nourriture d'or".

L'abeille est aux insectes ce que le blé est aux graminées, ce que l'or est aux métaux et l'entendement à l'homme. A chaque lignée sa part de meilleure lumière.                         

                                                                                                                                                Août 2024

1 Voir sur le site, à la rubrique "Génie des remèdes", mon texte sur la pathogénésie complète d’Apis mellifica avec le relevé de son génie sur chaque symptôme.

2  Hooper Ted - Les abeilles et le miel. Guide de l'apiculture - Éditions Delacroix et Niestle, pages 14 à 66.

3  Ibid. - page 14

4  Ibid. - page 15.

5  Ibid. - page 15.

6 Ibid. - page 65.

7  Ibid. - page 38.

8  Ibid. - page 37.

9 Ibid. - page 45.

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