Après mon doctorat à Bordeaux et quelques années d’exercice en Afrique, je m’installe à Grenoble en qualité d’homéopathe, après avoir passé le diplôme du CDEH il y a 35 ans. Comme tout débutant, je m’oblige à bien appliquer la loi de la similitude et je suis enthousiaste lorsque mes premiers succès me confirment le bien fondé de cette discipline. Mais je reste fort intrigué par son mystère : comment des granules vides de toute matière peuvent-ils abolir la maladie du malade, effacer un eczéma, une bronchopathie ou une cystite? Comment une haute dilution peut-elle régler une insomnie, anéantir les souffrances liées à une humiliation, une colère, un deuil? Par quel mécanisme l’empreinte invisible d’un remède peut-elle gommer un affect physique, bien visible ou avoir une action sur un affect psychique, bien immatériel ? Où se fait la rencontre du remède et la maladie ? Du non manifesté et du manifesté ? De l’immatériel et de la matière? Le remède contient-il une essence particulière qui agisse sur une essence invisible de la maladie ? Bien des énigmes et beaucoup de questions sans réponses.
Les années passent. Je suis toujours aussi impliqué et intrigué. Je lis beaucoup d’ouvrages, j’étudie la matière médicale homéopathique, je reprends plusieurs fois la lecture de l’Organon, livre fondateur, écrit par Samuel Hahnemann en 1810, l’inventeur de l’homéopathie. Je réalise à mesure le parcours et les hauteurs de vue du maître : il est venu au siècle des lumières, il invente une pratique en désaccord très polémique avec la médecine de son époque, il précise que chaque individu a une façon propre d’exprimer sa maladie et que sa manière personnelle de réagir est traduite par les symptômes individuels, seuls indicateurs du véritable état morbide en cause, il prône une façon de traiter, non plus avec des saignées, des clystères et autres purgations, mais avec des substances infinitésimales, totalement inoffensives, des remèdes subtils dont les «dynamisations amènent de façon tout-à-fait extraordinaire, la matière a atteindre finalement son essence spirituelle »[1] et il laisse en héritage une médecine efficace depuis plus de 200 ans, qu’aucune avancée scientifique n’a pu mettre en défaut alors que toutes les sciences d’autrefois ont été dépassées, contredites ou abandonnées. Hahnemann fut un pionnier lumineux, il a livré une façon pertinente de considérer le subtil dans la maladie, une façon de voir différente de celle des allopathes d’autrefois et d’aujourd’hui, une pratique qui réoriente le regard sur le monde de l’infiniment petit, un monde infra corpusculaire exploré de nos jours par les physiciens quantiques, lesquels ne manqueront pas de confirmer les bases de l’homéopathie (voir mon livre : Homéopathie et Physique Quantique).
Donc les propos d’Hahnemann m’éclairent, je comprends que les symptômes individuels sont les porte-voix du vrai langage du corps, que les modalités d’aggravation (le matin, à droite, couché, etc.), d’amélioration (par le froid, la nuit, debout, etc.), apparemment anodins et donc négligeables pour le médecin classique, actualisent, sous une forme individualisée, notre appartenance à un monde universel, qu’à travers eux le corps parle une langue qui est la sienne depuis l'origine et qu’il exprime ainsi, chez chaque individu, une information secrète à travers sa façon propre de ressentir un affect. Certes, quand bien même il y aurait un message où serait alors le lien avec le remède homéopathique ?
Un jour, en étudiant la matière médicale du remède Natrum muriaticum, je suis traversé par une fulgurance intérieure qui me livre, d’un seul éclair, le génie de ce remède : Natrum muraticum appose une séparation en deux inverses, toutes les rubriques de sa pathogénésie l’indiquent (voir le génie complet de Natrum muriaticum dans l’index des génies de remèdes). Cela veut dire que tous les signes et symptômes, apparemment distincts, issus de l’expérimentation de Natrum muriaticum ont, tous, la même parenté, le même germe, la même essence, tous appartiennent au même génie de la séparation qui leur a donné naissance. Quelques jours après cette découverte, je reçois en consultation Cyndie, une enfant de 7 ans qui apparaît bien troublée. Elle vole de l’argent et le dénie, elle coupe un habit offert par sa grand’mère, elle hurle dès qu’on lui parle, elle s’oppose à sa mère, elle crie sur tout le monde puis s’isole. De plus, elle a un eczéma au pli du coude droit. Ce comportement et l’eczéma sont venus juste après la séparation orageuse de ses parents. Je réalise alors, d’un coup, que tous les signes relèvent d’un même génie : la séparation. Bien sûr la cause est la séparation des parents. L’effet de cette séparation est signifié d’une part, dans tous les signes psychiques : elle coupe un habit, elle est coupée de son entourage et d’elle même puisqu’elle ne reconnaît pas ses gestes, d’autre part, dans les signes physiques : son eczéma est situé dans un pli de flexion qui est un pli séparateur. L’empreinte secrète de la séparation est bien notable dans chaque signe et dans chaque symptôme. Ainsi, le génie de la maladie de cette enfant relève d’un vécu désaccordant qui se distribue semblablement à l’étage psychique et à l’étage physique. Je prescris Natrum muriaticum qui abolit totalement l’eczéma et les troubles psychiques. Je saisi alors que l’opération homéopathique relève d’un lien étroit entre le génie subtil du remède et le génie subtil semblable de la maladie. De la rencontre de deux empreintes semblables invisibles elles-mêmes mais perceptibles par leurs manifestations. Dès lors les choses vont se dévoiler au fil de mes recherches : la maladie prend racine dans une instance qui lie le corps et l’esprit, elle y crée un désaccord qui se signifie par une multitude de symptômes généraux mais aussi par les signes individuels, seuls en mesure de traduire le vécu désaccordant et d’en livrer la raison d’être, donc de nous informer sur le sens de ce désaccord ; le remède homéopathique implique une empreinte invisible sous forme de génie de remède en lequel circule une information précise qui n’est autre qu’un sens retenu dans le granule. La science homéopathique réunit ainsi "l’esprit" de la maladie et "l’esprit" du remède, elle ouvre sur des prolongements extraordinaires d’ordre spirituel. Et donc sur la connaissance du monde de l’invisible, sur la compréhension des rêves, les états de conscience accrue, l’enseignement des sages, etc., dont j’ai rendu compte dans mes livres (voir index des livres).
En me penchant encore sur les remèdes, je découvre que chaque génie de remède relève d’une empreinte en forme de spirale faite de deux forces contraires que j’ai appelées force (A) et force (B)[2] contreparties toujours réciproques et complémentaires à l’image d’une force Yin naissant d’une force Yang et vice versa, à l’image du jour naissant de la nuit et vice versa, du haut procédant du bas, du masculin complémentaire du féminin, etc. Cette composition des remèdes homéopathiques montre le contenu à la fois universel de chaque remède derrière sa forme commune en forme de spirale de Moëbus et spécifique à chacun par les caractéristiques propres de chacune de ses deux contreparties. Par exemple, Belladonna associe une force (A) montante, verticale et une force (B) localisée, horizontale, Sepia associe une force (A) de remplissage lent et une force (B) de vidange rapide, Arnica un territoire (A) meurtri, amolli et empli de feu s'affaissant dedans et, en contrepartie, un territoire (B) ravivé, réactif et empli d'eau bâtissant un mur défensif tout autour (l’empreinte Arnica correspond à un furoncle enchâssé profond dans un tissu réactif, le territoire meurtri, purulent et enflammé se trouve au centre, le territoire ravivé, réactif et oedémateux afflue tout autour). J’ai ainsi pu isoler le génie de chacun des 148 remèdes de la matière médicale du Lathoud. Cela m’a pris plusieurs années de travail. Aujourd’hui, avec le passage dans le domaine public du livre de Lathoud, je peux, dans ce blog, livrer tous les génies de remède en commençant, ordre alphabétique oblige, par Abrotanum. Chaque présentation de remède est suivie d’une application clinique.
[1] Hahnemann Samuel : Organon de l’art de guérir – Edition Boiron, note 210, page 182.
[2] Ou encore territoires (A) et (B), contreparties (A) et (B), compartiments (A) et (B), etc.
Commentaires
1 fernandez marie france Le 06/03/2017
merci cordialement mff
2 ruasse Le 28/10/2015
Tous mes voeux de succès !
Amitiés,
JPR
3 Johanne Gagné Le 03/09/2015
Merci !