Homéopathie et Aliments

Au long de son interrogatoire, l’homéopathe cherche à connaître, entre autres renseignements essentiels, les désirs et aversions alimentaires du patient. Pourquoi pose-t-il de telles questions ? En quoi sont-elles utiles ? Qu’indiquent les habitudes alimentaires sur le type sensible du sujet ? Y aurait-il un lien entre tel désir alimentaire et telle caractéristique mentale ? Entre telle aversion physique et telle répulsion psychologique ? Entre (l’homéopathe le constate régulièrement) une répugnance pour le lait et une vive assimilation intellectuelle, entre un dégout pour les huitres et une envie de hauteur, d’élévation ? Mille autres étonnantes observations.

J’écarte de mon propos les régimes alimentaires, les cures diététiques et leurs conséquences sur la personnalité, j’examine seulement le lien entre modes alimentaires et mode psychique. Voyons quelques cas.

Aversion pour le lait chez le sujet de type Silicea : l’enfant de ce type est décrit maigre, souffreteux, muscles mous, poids stationnaire, assimilation et croissance lentes, transpirant beaucoup de la tête, souvent constipé et, à l’inverse, rapide et vif d’esprit. L’adulte aussi est plutôt mince, affaibli, affaissé, sans énergie, timide, frileux, très sensible, peu d’appétit, digérant et assimilant très lentement mais fort intelligent, aux capacités intellectuelles vives et perspicaces. Au total, une part lente, paresseuse et une part vive, dynamique. J’ai défini son type sensible ainsi : il a une lente assimilation corporelle et une vive assimilation mentale (pour voir le tableau complet de Silicea, taper moulay-kaici.e-monsite.com à la rubrique « génie des remède »). Cette composition lenteur/vivacité est par exemple dans les symptômes de la tête où il porte des éruptions torpides, tenaces, durables et des élancements battants, pressants, vivaces ; dans les pneumopathies chroniques avec douleurs lancinantes ; dans la périodicité des règles tardives, voire inexistantes puis abondantes, interminables, etc. Question, quel lien (j’exclue l’intolérance et l’allergie au lactose) entre la nature du type Silicea et son aversion pour le lait. Ceci : le lait est un aliment complet à assimilation intestinale rapide, surtout chez le nourrisson, il convient mal aux sujets de type Silicea, en raison de leur paresse intestinale. De leur constitutionnelle lenteur à savourer le blanc breuvage divin.  

Aversion pour les huitres par l’individu de type Phosphorus : l’homme de ce type, plutôt de grande taille, mince au ventre replet, élancé et voûté, yeux brillants dans un visage flasque, membres raides et faibles est un être remuant mais fatigable, souvent anxieux, irritable, voire colérique supportant mal le bruit, l’obscurité, la solitude. Il est vif, intelligent, intuitif, mais son enthousiasme tombe vite, son imagination l’embrase et le perd, ses pensées le soulèvent puis l’étreignent, il est décrit lumineux et sombre (voir son type complet sur mon site). L’individu de type Phosphorus est donc fait d’étirement, d’allongement vers le haut et de pesanteur, de compression vers le bas, traits présents dans ses signes physiques et psychiques. Par exemple, ses maux de tête s’accompagnent à la fois de la sensation que des battements de sang lui montent au crâne et d’une sensation de lourdeurs des muscles de la face ou encore il a de fort désirs sexuels suivis d’une chute, d’une impuissance rapide ou encore sa toux entraine une sensation d’écorchure en haut dans le larynx et celle d’avoir un poids en bas dans la poitrine, etc., toujours  un embrasement ici et un affaissement là. Concernant les modalités, il est dit qu’il déteste les huitres. Quel rapport entre cette aversion et son type sensible ? Ceci : les huitres sont faites d’un corps vif emprisonné dans une lourde coquille, elles représentent exactement le dilemme du sujet de type Phosphorus, un feu vivant retenu par et dans des compressions lourdes alors qu’il n’aspire qu’à s’élever là haut, par delà son corps physique et au delà des limites terrestres. S’envoler et vivre en apesanteur.

Aversion pour le gras par l’individu de type Pulsatilla :  la femme de ce type est décrite douce, aimable, délicate. Elle craint tout changement parce qu’elle a peur de changer, elle se sent vulnérable, partagée entre l’obligation d’aller vers les autres et l’obligation de renoncer à une partie d’elle même en y allant, elle veut préserver sa  nature intérieure et échapper à l’hostilité du monde extérieur, elle  se situe entre désir de rester unifiée et risque de se départager, entre action et renoncement, entre espoir et abandon. Cette constitution se retrouve dans tous les signes et symptômes de ses affections. Par exemple elle souffre d’hémicrânies du côté droit et rien à gauche, ses règles sont soit abondantes, rouge vif soit rares, de sang noir, sa toux est humide le matin et sèche le soir, etc., partout la marque d’une action et d’un abandon (voir site). Concernant les modalités, il est dit, entre autres, qu’elle déteste le gras (elle ne supporte pas aussi le lait, le beurre, les pâtisseries…), et ailleurs, qu’elle est améliorée par le mouvement, le grand air. Quel est le lien entre sa répugnance pour le gras et sa peur de changer psychiquement? Ceci : le gras représente pour elle tout ce qui est lourd, tout ce qui pèse, tout ce qui entraine une immobilisation, un abandon, une stagnation dans un état redouté, il incarne pour elle la peur de demeurer figée, contrainte, en recul alors que son espoir est d’être dans le mouvement de la vie, en marche vers un monde harmonieux, ouvert et libre. Libre comme le grand air qu’elle recherche désespérément.

Désir violent mais aggravation par le sucre chez l’individu de type Argentum nitricum : les homéopathes jadis l’ont décrit plutôt émacié, d’aspect négligé, vieillot et flétri. Dominent chez lui une précipitation visible dans ses explications en raison de ses tourments ou alors il tient des propos bizarres, qu’il est atteint d’une maladie incurable, que son heure est proche, qu’il va s’effondrer dans un trou sans fond. Il parle avec hâte jusqu’à épuisement. Il a beaucoup d’angoisses d’anticipation avant un entretien, un examen ou un voyage. En résumant beaucoup, on peut dire qu’il est pris entre une expansion égarante et une trouée aspirante (voir son type complet sur mon site). Ainsi en est-il de sa sensation d’expansion de la tête comme si elle était élargie et qu’il va tomber dans un précipice imaginaire ou bien, à la gorge, il présente une tuméfaction de la muqueuse et des ulcérations sur les cordes vocales avec chute de la voix ou encore l’homme a des érections tendues qui tombent dès l’intromission, la femme une tuméfaction des lèvres dehors et des ulcérations du col utérin dedans, etc. Bien. Quel rapport entre cette nature d’expansion/chute et son désir irréfrénable de sucre lequel, de fait, l’aggrave. Ceci : le sucre procure une augmentation rapide de l’énergie mais son action tombe vite. Exactement l’embarras de l’individu de type Argentum nitricum lequel veut connaître le repos et la sérénité, gouter ainsi, de la vie, la tranquille succulence.

Intolérance aux oignons par l’individu de type Thuya : ce sujet est en général corpulent, poitrine étroite, bassin large, jambes minces. Surtout son visage frappe, il est infiltré, couvert d’acnés, de comédons, de boutons écailleux avec pellicules à la racine du nez et sur les sillons naso-géniens. C’est un être émotif, sensible à la musique, ayant des idées fixes et bizarres comme l’impression étrange qu’une personne étrangère marche derrière lui, que son âme et son corps sont séparés, qu’il a quelque chose de vivant dans le ventre, que son corps est en verre et qu’il va se casser… Derrière ce tableau rarement aussi complet en pratique, l’on peut facilement identifier son fond discordant, il est fait d’un secteur fragmenté et d’un secteur fixe (voir tableau complet sur mon site). Par exemple, à la tête, aux cheveux secs et cassants, au cuir chevelu couvert de croûtes écailleuses, il ressent de violentes douleurs perçantes, térébrantes avec la sensation d’un étau qui serre, qui fige ou bien quant il tousse, la toux est cassante et tenace ou encore chez l’homme le prépuce est figé et gonflé d’ulcérations, chez la femme, les règles sont épaisses, noirâtres marquant leur ancrage intra-utérin, leur fixité, elles sont irrégulières, entrecoupées de pause pour marquer leur fragmentation, etc. Question rituelle : où se tient le lien entre fragmentation/fixité et intolérance aux oignons ? En ceci : l’oignon fragmenté en moult lamelles exerce une aggravation sur la fragmentation et les brisures de l’individu de type Thuya, lequel est fixé sur la seule chose qui l’importe : être un pour devenir indivisible.

 Chaque mode alimentaire renvoie à une correspondance psycho-physique précise. Ainsi en est-il pour le type Alumina sec, raide, plat et son aversion pour les pommes de terre souples, tendres, rondes ; pour l’individu de type Causticum défaillant, volatil et son désir de mets fumés pour suppléer ses déperditions trop vite évaporées ; pour le type Belladonna prisonnier de forces verticales et horizontales et son désir de citrons, de citronnades, de fruits à acidité lévogyre, dextrogyre ou autres déports absolument nécessaires pour se décaler intérieurement, pour dévier et bouger un psychisme rigide et orthogonal.

Terminons sur un désir peu commun et fort instructif, celui du désir de terre, de craie, de chaux particulièrement chez les enfants de type Calcarea carbonica. Ils sont généralement de petite taille, plutôt grassouillets, blonds aux yeux bleus, front large, dents blanches, doigts carrés et courts, corps développé en largeur et moins en hauteur. Au plan mental, ils assimilent fort bien toutes notions, surtout les mathématiques et la physique, leur volonté, puissante et tenace s’effondre vite parce qu’ils se fatiguent vite et qu’ils sont lents, paresseux, apathiques. L’adulte de ce type est pareil bien portant, voire obèse, à peau blanchâtre, thorax fin, abdomen vaste, pieds menus, tempérament puissant mais fatigable, assimilant vite mais s’épuisant vite, bon organisateur, logique, capable de belles réalisations mais trop soucieux, trop émotif, trop fragile. Chose curieuse il est beaucoup mieux sur tous les plans lorsqu’il est constipé. En fait c’est un individu à la fois un peu ferme, un peu concentré et beaucoup mou, beaucoup fondu. Au plan de son empreinte homéopathique, j’ai montré qu’il est fait d’un état ramolli en périphérie et d’un besoin de concentration à l’intérieur (voir tableau complet sur mon site). Cette composition est dans tous ses signes psychiques et physiques. Par exemple, il a une transpiration très abondante à la tête et des céphalées engourdissantes, stupéfiantes ; sa toux est humide, aqueuse le jour et sèche, rude la nuit ; la femme de type Calcarea carbonica transpire abondamment des parties génitales externes et ses règles sont retenues longtemps à l’intérieur, etc. Certes, certes, mais quel rapport avec le désir de substances indigestes comme la craie, la terre? Ceci : le besoin de fermeté intérieure de notre sujet est suscité par l’ingestion de matières solides, minérales. Cela n’apporte pas d’amélioration, c’est une indication, c’est un appel du corps, c’est le langage infaillible d’une présence dans le corps et hors le corps. C’est la voix du monde invisible qui dit le lien entre ingestion de craie et besoin de fermeté dans le même temps qu’elle évoque un haut enseignement entre vastes eaux et tenace concentration. Ainsi, cette voix sublime rassemble les semblables autour du portrait de l’individu de type Calcarea carbonica : derrière le désir de terre, derrière la concentration intérieure, derrière la liquéfaction périphérique, elle dit un thème sur la scission en première terre à partir des eaux primordiales, elle rappelle que pour la théologie pharaonique, l'origine du monde procède du mystère héliopolitain : "Noun, l'océan primordial contient une substance indéfinie qui, s'actualisant, produit Toum, la première terre, née de la condensation du milieu abstrait Noun."1 Ainsi, pour l’homme et notre terre mère, ainsi, pour son origine primordiale, pour la création, la vie, l’immanence, le tangible et le subtil, ainsi pour le tout qui est dans un rien. Un rien prodigieux. Un rien homéopathique. Un rien nommé Calcarea carbonica.

                                                                                                                                      Janvier 2025


1  Schwaller de Lubicz : Le roi et la théocratie pharaonique - Edition Flammarion - page 11

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