Homéopathie et deuil

Dans les suites de deuil, je prescris Ignatia 30 CH et Causticum 30 CH pendant la durée complète du deuil : quarante jours. Pourquoi ces deux remèdes ? Parce que chacune de leur empreinte homéopathique répond exactement au ressenti spécifique des suites de deuil. Voici :

                  - Ignatia relève de deux forces antagonistes et réciproques (comme cela est pour tout remède homéopathique) qui sont d’une part, une force (A) qui perce en trouées profondes la substance vitale, l’évidant vers la surface, d’autre part, une force (B) qui tente de colmater ces trouées vitales, les obturant en profondeur. L’image est celle de soupirs avec un temps inspiratoire allongé et un temps expiratoire retenu. Comme lors d’un deuil.                               

                        - Causticum est fait de deux forces qui sont, d’une part, une force (A) qui consume et paralyse les énergies motrices et une force (B) qui appelle et ameute les énergies réparatrices. L’image est celle d’un état d’anéantissement par déperdition vitale et, en retour, un appel défensif sous forme de secousses alarmantes. Comme lors d’un deuil qui consume le feu vital et appelle une réaction secourante.

En approfondissant encore le propos, on peut indiquer que les soupirs Ignatia de l’endeuillé sont l’expression d’une véritable déperdition : en quittant le monde, le défunt emporte avec lui sa présence ici-bas et cela se traduit par un vide chez ses proches, un manque réel qui se signifie par un manque d’air, une véritable déperdition pulmonaire. L’endeuillé exprime ce manque par de profonds soupirs et tente d’en combler les lacunes, par de profonds inspirs. Rappelons que les poumons sont l’organe de l’amour, ils sont le lieu où l’air conscience s’engouffre en premier à la naissance mais aussi ils sont le lieu principe d’inscription lors d’un choix amoureux : l’air universel de tous devient air individuel de soi lorsque s’opère cet instant hautement sélectif et le poumon devient le lieu premier d’une rencontre choisie et individualisée1. La rencontre sexuelle est l’étape suivante. Car, comme partout, le non manifesté précède le manifesté. Les égyptiens antiques le savaient puisqu’ils avaient associé poumons et sexe sous l’appellation de Haty. C’est aussi la raison pour laquelle les cancers génitaux se propagent, en priorité, dans les poumons.              

Concernant le remède Causticum, son empreinte corrige, pareil, la consumation et l’agitation des suites de deuil. Le défunt, dès son départ, disparaît au sens éthérique du terme, je le répète, il quitte son corps physique, il quitte notre monde terrestre en emportant ailleurs et son corps éthérique et la part de présence éthérique encore infusée dans le monde terrestre. Notamment sa part de présence éthérique actualisée chez ses proches, dans leurs poumons nous l’avons vu et aussi dans leur esprit.Le défunt "reprend" toutes ses "attaches" enracinées chez les vivants lorsqu'il s'éloigne. Ainsi, les proches, dépossédés d'une part de présence vivante, ressentent là aussi un manque, un "feu éteint", en fait une réelle consumation qui, par effet de retour, entraîne, chez eux, une agitation affolée. D'où l’action utile de Causticum.

Chez les adultes, les signes de suites de deuil sont évidents et ne posent aucun problème pour la prescription des remèdes. Chez les enfants, lorsqu’il s’agit de décès intra-utero d’un jumeau lors de leur grossesse commune, les signes de deuil, chez le survivant, sont dissimulés derrière des comportements déroutants. Voici un exemple :

Julien, 3 ans, a des problèmes d’endormissement depuis sa naissance. Il  dort seulement dans le lit des parents ou parfois dans celui de son frère mais jamais dans son lit. Une fois endormi, il se réveille rarement. Les parents, très attentionnés l’entourent d’affection et de soins mais là, avec le refus et les hurlements chaque matin devant l’école, ils sont débordés. Concernant les circonstances de sa grossesse et de sa naissance, l’interrogatoire ne relève que quelques très discrètes contractions per-gravidiques chez la mère mais pas de saignement, pas de douleurs gravidiques, pas d’accouchement prématuré, pas de dystocie, pas de séparation à la naissance..., rien qui explique les difficultés d’endormissement de Julien. Alors quoi ? Ceci : un avortement spontané au cours de la grossesse précédente, celle d’avant l’arrivée de Julien. La mère en est sûre, elle avait ressenti, au cours des premières semaines de cette grossesse, une résorption silencieuse, sans écoulement de sang. Et puisque la grossesse se poursuivait, elle avait pensé avoir eu deux fœtus dont l’un s’était arrêté de vivre et l’autre, bien vivant, était venu au monde en parfaite santé. Voilà la clef ! La mère avait eu une grossesse gémellaire dont un seul fœtus était resté vivant. La grossesse, suivante, celle de Julien, était mono-fœtale sans anomalie mais avec cette particularité : Julien a grandi dans un utérus marqué par le précédent deuil. In utéro, il a forcément senti les effets d’une disparition anormale comme l’on ressent les effets d’une disparition anormale lorsqu’on séjourne dans une maison où a eu lieu une mort par suicide ou crime. Julien est donc né avec la hantise d’être séparé des vivants. D’où son attitude fusionnelle avec sa mère et sa peur d’être délaissé, d’où son désir de rester près d’elle surtout au moment de se coucher qui est un moment de séparation. Il y a encore ceci qui renforce ma conviction d’un deuil éprouvé : les parents m’informent que Julien, pour aller à selle, se met systématiquement tout nu et s’isole dans un coin jusqu’à la fin de l’exonération. Traduction : Julien met en scène un vécu, il se met nu comme est nu le fœtus intra-utérin, il évacue ses selles seul et silencieusement comme se résorbe et s’évacue une discrète grossesse gémellaire isolément et silencieusement.                 

Traitement : en homéopathie on traite d’abord les faits récents puis les faits antérieurs, Julien reçoit donc Pulsatilla et Natrum muriaticum pour la sensation d’abandon et de séparation qui sont les vécus actuels puis Ignatia et Causticum pour le deuil d’hier.

Résultat après deux mois de traitement : accalmie nette à la maison, aucun éclat à l’école, endormissement sans difficulté dans son propre lit. Bien sûr, sérénité retrouvée chez les parents.

                                                             Février 2025


1 Les écrivains inspirés le savent d’instinct tel Christian Bobin dans son livre "L’Eloignement du monde" (Éditions Lettres Vives, page 44) : «J’ai trouvé, mon amour, le nom le plus secret et le plus clair pour dire ce qu’est ta vie dedans ma vie : l’air» 

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