Homéopathie et maladies chroniques selon Hahnemann

Mon propos est de montrer la façon innovante pour l’époque qu’avait Samuel Hahnemann, le père de l’homéopathie, de concevoir les maladies chroniques. Et relever la pertinence de son point de vue, quelque peu futuriste. Je réserve un chapitre entier à ce sujet dans mon livre "Sentir la guérison"dans lequel je puise de larges lignes pour ma communication ci-dessous.

Pour Hahnemann, toutes les maladies chroniques relèvent de trois matrices pathologiques majeures aux noms barbares, la psore, la sycose et la luèse. Qu’est-ce à dire ?

La psore est un mal primitif implanté en l’homme depuis la nuit des temps, non pas sous forme d’affection distincte avec signes cliniques précis, évolution définie et autres caractéristiques nosologiques, non, elle représente un fourre-tout pathologique singulier parce qu’elle nait d’un mal princeps, elle vient du premier désaccord vital en l’homme et elle s'amplifie en accumulant au fil du temps les marques de tous les parcours pathologiques humains. La psore d’Hahnemann figure ainsi la première assise dénaturée en l’homme et le cumul de toutes les traces pathologiques des hommes, elle renferme donc un désaccord initial et toutes les dénaturations futures, toutes ses maladies ultérieures, aigues ou chroniques de chaque être humain. En simple, c’est à la fois, le lieu d’inscription en l’homme de sa première déviation et le support de toutes celles qui adviendront. Insistons encore : la psore d’Hahnemann regroupe en elle même les déviations personnelles de chaque homme et celles de tous les hommes ce qui, spécifiquement, indique que chaque homme est relié à tous par un tout affectant et que chacun apparaît d'une part, imprégné de façon particulière de ce tout affectant, d'autre part, imprégné de ses propres affects et déviations au cours de son propre parcours. La psore forme ainsi un tronc commun, ramifié à l'extrême avec, à chaque bout, un homme doté d'un contenu commun découpé à sa mesure et du contenu de son propre chemin de vie. En prolongeant les propos d’Hahnemann, on peut écrire que la psore, en tant qu’expression du désaccord princeps relève de la première déviation de l'homme, de sa première "chute" dans le monde manifesté. La psore traduirait ainsi « le moment initial de la vie "chutée" dans la matière corporelle, la première empreinte-mémoire de la chute hors de l'harmonie pré-adamique et la matrice-mémoire des affects post-adamiques. Tout cela à la fois : l'inscription d'un décalage originel et le lieu d'inscription des décalages à venir. Et comme toute maladie exprime un "recul" par rapport à l'harmonie, la psore, dès le départ, est maladie parce qu'elle est l'expression d'un recul initial : celui de l'homme ordinaire personnifié, corporifié, souffrant à la matière, en recul par rapport à l'homme parfait pré-adamique, libre de toute corporification. Elle représente aussi le moyen par lequel s'actualise une manifestation, ici la manifestation d'un premier "mal" et le lieu de manifestation des maladies ultérieures ».2Notons encore ceci : Hahnemann, quelque peu hardi, avait fabriqué un remède contre la psore avec des sécrétions de lésions cutanées d'individus atteints, selon lui, de psore : le remède homéopathique appelé Psorinum. «Et l'extraordinaire se produisit. Non pas qu'il fût parvenu à éteindre la psore. Non, l'extraordinaire est que, parmi les symptômes psychiques de Psorinum, il y a celui-ci, unique dans la matière médicale : l'individu Psorinum est anormalement joyeux et même euphorique à la veille d'une maladie! Traduit, cela donne : l'homme pré-adamique est dans un état de bonheur sans limite à la veille de sa "chute" dans le monde manifesté. Il est possible que ce symptôme ne puisse être retrouvé dans de nouvelles expérimentations. Il n'en demeure pas moins que ce symptôme fut constaté en un temps de grâce et décrit par Hahnemann, un homme habité par l'inspiration, guidé de l'intérieur et aligné sur une voie de connaissance.»3 

       Parmi les innombrables affections attribuées à la psore il y a les multiples dermatoses, parasitoses, allergies, asthmes, maladies génito-urinaires, affections digestives, pulmonaires, rénales ; il y a les détériorations du système vasculaire, ostéo-articulaire, cérébro-spinal, hématologique, les troubles psychiatriques, métaboliques, immunologiques etc. ; bref, la quasi-totalité de la pathologie existante qui n'est ni spontanément résolutive, ni détruite par un remède qui agisse sur son ineffaçable cause-princeps.

La sycose était due, pensait-on à l'époque d'Hahnemann, à un contage vénérien : après un commerce impur disait-on, les parties génitales se couvraient d'excroissances sèches ou humides, laissant sourdre des écoulements contagieux. A l’époque, Hahnemann avait mis en garde les médecins contre les mauvais effets de la suppression de ces écoulements "sycotiques" par les traitements à visée locale comme les excisions et autres cautérisations autrefois pratiqués. "Les symptômes réapparaissant souvent avec un caractère plus grave, on n'obtenait la guérison qu'au prix d'une maladie plus sérieuse qui éclatait dans d'autres régions."4

Pour Hahnemann, il s'agissait là d'une accumulation miasmatique renforcée par fermeture d'un déversoir externe. Pour lui, le bon remède est celui qui détruit le mouvement complet -crue et décrue- de la maladie, faute de quoi elle se renforce à l'intérieur du corps et consolide le miasme sycotique. Cette aggravation était d'autant plus facile à éviter que le miasme sycotique semblait peu agressif aux yeux d'Hahnemann ("le plus doux et le plus rare des trois miasmes") et facilement accessible aux granules de Thuya qu'il avait mis au point et dont il était très satisfait.

Parmi les innombrables affections attribuées à la sycose, au départ maladie des écoulements chroniques, se trouvent les états hydrogénoïdes, les états d'infiltrations inflammatoires, puis les viciations métaboliques, les intoxications, aujourd’hui les remaniements post-vaccinaux, etc., toutes pathologies ayant pour principe des écoulements tenaces, des œdèmes interstitiels et des proliférations cellulaires, y compris les rétentions dues aux chocs psychiques. S'il fallait une idée globale des symptômes de la sycose, je dirai qu'ils incarnent, tous, l'image d'une tuméfaction, avec un versant ascendant et un versant descendant.»5

La luèse était attribuée au "vice vénérien ou maladie chancreuse" qui se transforme en syphilis après suppression du chancre local, c'est-à-dire après avoir "privé la nature du courant qu'elle s'était ouvert pour décharger au-dehors le superflu de ses souffrances internes"6. L'assertion garde aujourd'hui toute sa valeur. D'abord au niveau de la stratégie thérapeutique, aujourd'hui on attaque le tréponème syphilitique, non pas par une thérapie externe mais bien par voie interne ; ensuite au plan subtil, elle aide à comprendre une imprégnation d'ordre syphilitique sans syphilis avérée que les homéopathes appellent "luétisme". C'est un état constitutionnel sans obligation de contage, entraînant un mode sémiologique équivalent à celui d'une syphilis organique. Un certain nombre de similitudes existe :

- dans la syphilis avérée, les atteintes portent essentiellement sur les appareils cardio-vasculaire, articulaire, nerveux (jusqu'à la paralysie générale7) et sur les jonctions cutanéo-muqueuses (leucoplasies8) ; la syphilis se transmet par voie sexuelle. Ainsi, ses cibles sont des organes destinés à établir un lien entre eux et à conduire le mouvement de la vie.

- dans le luétisme, les atteintes portent sur ces mêmes parties, donc sur des organes qui  coordonnent le passage d'une fonction vitale entre deux parties distinctes et qui conduisent le mouvement de la vie.

Parmi les pathologies relevant de la luèse il y a toutes les inflammations profondément organisées (artérites, ostéomyélites, névrites), les scléroses étendues (sclérodermies, leucoplasies), les pelades, les corrosions dégénératives, les ulcères torpides, les indurations, des malformations, des dystrophies, etc., qui induisent des mutilations, qui entravent la circulation vitale et frappent les relais anatomiques sous forme de rétraction, d'induration, de rupture et de distorsion. Par exemple, dans le cœur, la syphilis entraine d'une part, une rétraction ou même une "éversion" complète du bord libre des valvules aortiques, d'autre part, une induration par formation de plaques gélatiformes. De plus, lorsque la valvule cardiaque se sclérose et se retourne en-dedans, en contrepartie, le vaisseau aortique se dilate et se ramollit au-dehors (anévrismes9). Ailleurs encore, quand le ligament lâche l'articulation, l'os construit des exostoses (tabès10 syphilitique), ou encore lorsque le réflexe est aboli, la force musculaire est relancée. Inversement, quand les plaques d'athérosclérose indurent les vaisseaux, le coeur se dilate (insuffisance aortique), quand l'exostose articulaire s'ulcère, le ligament s'enflamme, quand, (dans le tabès) la sensibilité profonde est abolie, des douleurs fulgurantes apparaissent, etc. S’il fallait une idée globale des symptômes de la luèse, je dirai qu’ils incarnent, tous, l’image d’une dissociation jusqu’à la rupture.

Donc, selon Hahnemann, psore, sycose et luèse sont les trois piliers de toutes les maladies chroniques. En extrapolant encore une fois son point de vue, on peut poser que la psore, en tant que base princeps de toutes les affections, contient aussi bien les processus prolifératifs de la sycose que les lésions dégénératives de la luèse sans toutefois s’y confondre. Elle englobe leurs frontières, par leurs débordements lésionnels. Ainsi, si nous affectons la sycose du signe Yang, celui de la luèse du signe Yin, la psore, entre les deux, résulterait de leur croisement et de leur confluence. De la sorte, la psore les représente ensemble et séparément. C'est elle qui les signifie, qui leur donne un ensemble sémiologique cohérent, qui les caractérise ; elle représente l'assise primitive sans laquelle il serait impossible de les actualiser ; elle est à la fois leur matrice, le principe qui les sépare en deux permanences antinomiques et le fondement qui les rallie en une expression pathologique. Elle est donc le principe un qui regroupe deux valeurs opposées. Elle est à l'image de n'importe quel phénomène naturel d'ailleurs, car tout phénomène naturel tire son origine de deux valeurs opposées nées l'une de l'autre et comprises l'une et l'autre dans une qualité commune. Cela vaut pour le jour, la nuit, inclus, ensemble et séparément, dans une même révolution journalière. Cela vaut pour la luèse, la sycose, incluses ensemble et séparément dans la même psore. Il ne peut y avoir d'autres expressions miasmatiques. Certains homéopathes ont cru trouver dans le tuberculinisme ou dans le cancérisme, (le sidéisme ne saurait tarder) des expressions séparées. Il s'agit là, plus ou moins aggravées, de formes luétiques ou sycotiques, mais elles ne sauraient représenter en aucune manière des entités miasmatiques à part entière. De fait, comme il faut deux points et un vecteur pour identifier un déplacement, il faut une luèse, une sycose et leur vecteur psorique pour reconnaître une trajectoire vitale. La psore est bien cela : c'est la manifestation de deux troubles constitutionnels réunis par une unité troisième. Il est inutile d'ajouter autre chose. Au total, si nous assimilons la sycose et la luèse à deux spires antinomiques, la psore représente leur spirale commune ; donc, une spirale vitale formée de deux spires inverses, lesquelles procèdent de la psore. La psore est donc le trouble 1 manifesté en 3, l'envers de la trinité, la face d'ombre de la force vitale.

 

Matrices communes et axe du désaccordé

La conception d'Hahnemann, dans sa présentation initiale, est bien sûr dépassée. Pour la médecine moderne, il n'existe aucune maladie chronique qui s'apparente à ces trois classements. Donc, ces trois supposés miasmes n'existent pas. D'ailleurs personne ne peut préciser le tableau-type d'une psore-maladie ou d'une sycose-maladie comme on identifie le tableau d'une glomérulonéphrite ou d'une hépatite chronique. Tout juste, ces trois entités, avec leur noms barbares, répondent-elles, comparées à la nomenclature actuelle, à un grand bazar où une bonne volonté pourrait peut-être percevoir le début d'une grossière classification. Rien de plus.

Certes, mais si nous rejetons les noms impropres "miasmes" et autres, si nous suivons Hahnemann sur un deuxième plan et que nous assimilons les trois états décrits à trois matrices princeps, trois fondements à l'origine de toutes les maladies chroniques, alors sa conception prend une toute autre valeur. Essayons de développer cela.

Nous savons que chez l'homme, le fonctionnement de l'organisme obéit à d'innombrables forces régulatrices, chacune exerçant le contrôle qui est le sien au niveau du site qui est le sien. Le tout forme un système cohérent, dynamique. On comprend sans besoin de commentaire que ce tout résulte finalement de deux grandes forces, à la fois antinomiques et complémentaires, l'une contrôlant tout l'anabolisme physiologique, l'autre assurant tout le catabolisme physiologique. Si nous ajoutons que l'une et l'autre reposent sur une force vitale qui les soutient et les caractérise -une troisième force commune en somme- nous retrouvons, sur un mode inversé, une réplique du schéma précédent. Bien évidemment, chaque maladie organique, quelle qu'elle soit, pour exister, doit se signifier à travers ces trois forces, en les dénaturant. Ainsi, chaque maladie entraîne forcément un désaccord dans le sens d'un excès (hyperstimulation anabolique ou catabolique) et/ou d'une altération (apathie et distorsion anabolique ou catabolique) ; ce qui, en termes hahnemannien s'énonce ainsi : chaque affect, quel qu'il soit, revient à un affect psorique et entraîne un désaccord dans le sens d'un excès-sycotique et/ou d'une viciation luétique (les lésions pouvant revêtir tous les aspects imaginables). Cela vaut pour les maladies aiguës, toutes les maladies aiguës ; cela vaut pour les maladies chroniques, toutes les maladies chroniques. Inutile de nous appesantir, l'assertion d'Hahnemann, on le voit, est parfaitement envisageable.

Bien. Concédons que cette démonstration, fort banale, ne reprend que des généralités. Mais si l'on accepte que l'ensemble des maladies chroniques repose sur cette triade, leur conception change de nature, leur thérapeutique change de stratégie et la médecine change de plan de perception. Surtout la ou les causes des maladies chroniques changent de critères ; elles s'envisagent non plus seulement à travers les étiologies habituelles, mais à travers la trajectoire vitale de chacun et de tous, à travers notre passé proche ou très antérieur, à travers toutes les implications désaccordantes et leur raison d'être chronique. Il y a là un travail immense pour la médecine de demain, un travail ni pénible, ni fastidieux mais un travail de belle réflexion, à mener selon la loi des correspondances des anciens ou de la loi de similitude d'Hahnemann. Risquons une petite incursion dans ce domaine.

D'abord, il me faut dire que si une maladie aiguë répond, je l'ai beaucoup écrit ailleurs, à un vécu récent, une maladie chronique correspond, elle, en toute logique, à un vécu lointain ou durable, ayant eu lieu soit dans le passé reculé du malade soit dans celui de la communauté des hommes :

     - le passé individuel du malade concerne sa vie terrestre avec tous les risques possibles, celui de contracter par exemple une cardite inflammatoire qui deviendra une insuffisance cardiaque chronique, celui de garder les séquelles durables d'une famine, d'une irradiation, d'une épidémie avec toutes les responsabilités collectives et individuelles que cela suppose. Le passé individuel implique aussi, c'est en tout cas une constante dans la tradition bouddhiste, la charge karmique de l'intéressé, c'est-à-dire ses vécus désaccordants antérieurs ayant eu lieu dans d'autres vies antérieures. La médecine moderne ne s'intéresse que très peu à ces phénomènes ; elle n'y voit souvent que des actes de foi ou des suppositions aléatoires, inutilisables d'un point de vue rationnel. Pourtant, lorsqu'elle s'informe des antécédents familiaux d'un malade, elle s'impose parfois des recherches sur deux ou trois générations ; ce qui la place, de fait, dans un passé antérieur, voire très antérieur. Ce faisant, elle ne se départ pas de sa logique puisqu'elle fouille, à travers un passé vérifiable, une tendance pathologique qu'elle nomme terrain prédisposant familial. Or justement, qu'est-ce qu'un terrain prédisposant familial et d'où vient-il? Et s'il y a hérédité de terrain prédisposant familial, pourquoi se manifeste-t-il chez tel personnage de la descendance et non chez tel autre? Et pourquoi s'efface-t-il parfois au profit d'un autre terrain prédisposant, etc.? Bien des questions ouvertes que même une démarche rationnelle ne peut élucider sans s'ouvrir à la vie antérieure du patient, fut-elle uniquement familiale. Quoi qu'il en soit, la charge karmique de l'individu et le cycle de ses vies antérieures, ne se conçoivent pas seulement à travers les implications pathologiques de la lignée familiale, elles concernent les vécus nocifs de cet individu en propre ; vécus inscrits dans sa substance vitale et réactualisés au cours de ses différentes incarnations ; le recyclage des désaccords antérieurs a pour but de les "revivre" dans la vie actuelle puisque c'est dans un parcours terrestre antérieur qu'ils se sont noués, mais aussi de les "traiter" dans tous les sens que ce mot prête à la loi d'analogie : en refaire l'expérience, en reconnaître le sens essentiel, les effacer à l'aide d'une médecine consciente de la chronicité des maladies en chacun à travers la durée des vies de chacun. A cet égard, je me permets de renvoyer le lecteur aux livres de Patrick Drouot, connu pour ses recherches sur les vies antérieures. Cet auteur11 a vu nombre d'affections chroniques disparaître après des séances d'ouverture à la pleine conscience au cours desquelles le patient, replongé dans son existence passée, retrouve le vécu causal antérieur, responsable de son affection actuelle.

     - le passé collectif des hommes, à travers sa trajectoire, ses étapes, son évolution, ses pathologies, ses thérapeutiques et ses déviations de toutes sortes depuis l'origine, se marque nécessairement dans la mémoire collective et dans le continuum vital de chacun. Chaque homme est donc relié à un tout vital harmonieux et à un tout pathologique porteur de toutes les déviations. Mais chacun s'y implique dans un rapport de concordance et d'analogie qui donne à son parcours individuel la place, la charge pathologique et l'existence qui lui correspondent au sein de la multiplicité des places, charges et existences possibles.

Cela veut dire que chaque vie est indépendante de toutes les autres tout en étant intimement associée à toutes les autres. Que chaque nouvelle incarnation est la résultante d'un parcours individuel depuis l'origine, chargé de ses propres déviations mais aussi de ses propres "redressements", inclus dans un tout humain ; que chaque incarnation correspond au recyclage d'une conscience individuelle jusqu'à sa perfection dans une humanité perfectible ; que chaque incarnation est la marque d'une vie souveraine qui souffre pendant sa nature terrestre mais qui doit revenir autant de fois qu'il est nécessaire à sa purification avant de s'épanouir dans une vie céleste.

Mais revenons aux triades : si le tout vital au sens de l'harmonie se manifeste, dans le corps, par l'entremise de trois grandes forces agentes de l'accordé général, le tout pathologique collectif et individuel s'inscrit, lui, à travers trois matrices communes : psore/sycose/luèse (ou autres dénominations), fondements du désaccordé général et individuel. Ainsi, ces trois matrices sont le lieu de naissance et la mémoire de toutes les maladies chroniques de l'existence depuis Adam pour tous les hommes. Elles sont aussi la carte individuelle sur laquelle s'inscrit tout le parcours pathologique individuel de chaque homme. Elles peuvent être assimilées à l'image d'un chromosome (avec ses deux hélices en vis-à-vis, maintenues par une troisième force intrinsèque) sur lequel est porté tout le code de l'espèce humaine, son évolution, ses mutilations depuis la nuit des temps.

Au total, reposant sur une triple assise, les maladies chroniques prolongent leur racine dans le phylum vital collectif et individuel, actuel et antérieur et elles se distribuent de façon sélective chez chacun selon ses dettes karmiques collectives et individuelles.

Cette notion d'hérédité karmique dans les maladies est une donnée totalement admise dans la tradition bouddhiste ; elle revient souvent sous la plume notamment du maître tibétain Djwhal Khoul, disciple de très haut rang dont l'enseignement lumineux bien que nettement ésotérique fut consigné par Alice A. Bailey dans non moins d'une trentaine de volumes.

Dans "la Guérison ésotérique"12, de grandes pages sont consacrées à la loi du Karma. Pour le maître tibétain, si l'on admet que l'on récolte ce que l'on sème, si l'on comprend que les événements qui affectent l'humanité ou l'honorent relèvent de comportements humains collectifs et individuels, alors le karma est ce que " l'homme a institué, poursuivi, approuvé, omis de faire, ou accompli depuis la nuit des âges jusqu'à l'instant présent, et par homme, il faut entendre ici...][... l'humanité prise en bloc, l'humanité en tant que groupes et nations, et les hommes individuels"13. Il existe plusieurs types de karma, le karma planétaire, le karma de groupe, le karma des disciples, le karma de récompense, le karma de rétribution. Le Tibétain explique comment le karma individuel a accompagné le long processus d'individualisation et de responsabilité individuelle que ce soit à l'intérieur du groupe ou de la hiérarchie mystique, puis, concernant le rapport karma/maladie, il explique ceci : "L'étude des maladies héréditaires laisse entrevoir que l'homme reconnaît ses dettes et tendances karmiques. Il se trompe toutefois en croyant que ces tendances se trouvent dans les germes de vie et de substances qui se réunissent au moment de la conception, et qu'en conséquence le père ou la mère sont responsables de leur transmission. Tel n'est pas le cas. Sous l'angle de l'âme, le sujet incarné a franchement et consciemment choisi ses parents en vue de la contribution qu'ils peuvent apporter à sa structure physique durant son incarnation. La nature du corps vital prédispose donc le sujet à tel ou tel type d'infection ou de maladie. La nature du corps physique est telle que sa ligne de moindre résistance permet l'apparition et le contrôle de ce que le corps vital a rendu possible. L'âme en incarnation produit dans son œuvre créatrice et dans son véhicule vital une constitution particulière à laquelle les parents choisis apportent la contribution d'une tendance définie. Le sujet n'opposera donc pas de résistance à certains types de maladie déterminés par son karma".14

En somme, en termes de maladie, les dettes karmiques antérieures de l'individu déterminent le choix des parents par lesquels il se réincarne. Parents dont la constitution physique et les prédispositions pathologiques répondent aux exigences d'extériorisation du contenu et de la charge karmique de l'individu incarné. Il y a donc là un rapport d'analogie : le corps vital choisit, à travers des parents aux tendances physiques concordantes, le véhicule physique exactement proportionné à son fardeau karmique. En d'autres termes, les prédispositions karmiques de l'individu incarné s'ajustent sur les prédispositions corporelles correspondantes des parents.

Ainsi, au delà de l'hérédité mendélienne classique et des transmissions génétiques pluri factorielles, il existe un mode de descendance qui relève de la loi de similitude ; cette loi s'énoncerait ainsi : un être humain, recyclé dans le monde terrestre, se réincarne, en fonction de ses dettes karmiques, dans un corps physique approprié, reçu des parents. C'est bien sûr le karma individuel qui prédomine et se tient derrière l'héritage familial (et même derrière le patrimoine génétique de l'individu). C'est lui qui infléchit le choix vers tels ou tels parents. C'est finalement un choix obligé, pourrait-on dire, contraignant. Assurément non. Car cette obligation n'a d'autre objet que de perpétuer, par transmission, le libre-choix de se délivrer, maintenant ou demain, de ses dettes karmiques, en adoptant une attitude confiante et ouverte envers le but suprême de la vie. Assertion sans doute insupportable pour celui qui vient au monde avec des maladies dégénératives ou fort douloureuses, mais assertion acceptable qui replace chaque vie, chaque expérience, affectante ou non, dans son œuvre créatrice et libératrice de conscience. D'autant plus acceptable chez certains êtres, réincarnés semble-t-il à dessein sous d'horribles mutilations et chargés à dessein d'une grande quantité de dettes karmiques collectives afin de décharger l'espèce humaine toute entière et de la préserver d'une involution rapide.

Il faut ici préciser un point : si le karma utilise un véhicule physique, s'il se marque biologiquement dans les chromosomes, il utilise aussi pour s'actualiser un véhicule immatériel, car, en tant que témoignage d'un vécu pathologique, il est la mémoire d'un tout physique et psychique. Or, chez l'homme, le véhicule immatériel n'est autre que le corps éthérique que nous, homéopathes, connaissons bien puisque c'est le lieu-principe où s'enracine le vécu nocif avant de s'extérioriser dans le corps physique sous forme de maladie organique. C'est d'ailleurs là, dans ce corps éthérique immanent au corps physique, qu'agissent nos remèdes homéopathiques. Le Tibétain le définit ainsi : "Le corps éthérique est la forme intérieure "substantielle" sur laquelle le corps physique est édifié. Il est l'échafaudage intérieur sous-jacent à chaque partie de l'homme tout entier. Il est le cadre qui soutient le tout"15. Et plus loin : "L'état du corps éthérique prédispose le sujet aux maladies ou l'en protège. Il l'immunise contre l'impact des facteurs détériorants ou épidémiques, ou au contraire n'y parvient pas pour cause de faiblesse inhérente...][...Le corps éthérique est un point focal pour toutes les énergies intérieures du corps. L'énergie transmise ne sera pas l'énergie vitale pure ou le simple pranâ planétaire, mais sera qualifiée par des forces provenant de l'appareil astral ou émotionnel, de l'organe de pensée, ou du corps causal. Ces "qualifications de forces" traduisent le karma individuel et constituent en dernière analyse les forces conditionnantes majeures. Elles dénotent le degré de développement de l'individu et les régions du corps contrôlées par sa personnalité. Elles indiquent ainsi l'état de son karma...][... Ces facteurs conditionnants font du corps éthérique ce qu'il est dans une incarnation donnée. Ils résultent à leur tour d'activités entreprises et poursuivies dans des incarnations antérieures. Ils constituent donc les dettes karmiques du patient ou ses libertés karmiques...][... A l'avenir, lorsque de nouvelles recherches et investigations auront été menées à bien, la science de la médecine s'édifiera sur la base du corps éthérique et de ses énergies constituantes. On s'apercevra que cette nouvelle science est infiniment plus simple et moins compliquée que la science médicale actuelle. Cette dernière atteint un tel degré de complexité que des spécialistes sont devenus nécessaires pour s'occuper de chaque région du corps et de ses effets sur l'ensemble du véhicule physique. Le praticien qui se consacre à la médecine générale ne peut plus connaître la masse de détails accumulés par la science au sujet du corps physique, de ses divers systèmes, de ses rapports réciproques, et de leurs effets sur les multiples organismes qui constituent l'homme dans son ensemble...".16

Bien évidemment j'accepte totalement cette présentation qui renforce et complète ce que j'écris depuis des années. Ma recherche, alors que je n'avais aucune connaissance des livres d'Alice Bailey, m'avait conduit à cette évidence du corps éthérique. Elle m'amène aujourd'hui à cette notion de vécus antérieurs discordants que sont les dettes karmiques, et enfin à cet enseignement du Tibétain sur la cause des maladies chroniques, proche de l'enseignement d'Hahnemann : "Les causes principales de toutes les maladies...][...se trouvent tout d'abord dans l'hyperstimulation ou l'atonie des centres, ce qui implique simplement l'hyper-activité ou l'apathie de tout centre dans une partie quelconque du corps...".17

Si l'on assimile l'hyperstimulation à la sycose, l'atonie à la luèse et la force agente qui soutient ces deux forces à la psore, on retrouve exactement la définition d'Hahnemann. Un recoupement heureux qui ne prouve rien, diront certains. Un recoupement fort pertinent à mon sens puisqu'il soutient des propos venus de personnes éloignées l'une de l'autre qui ont en charge (une charge karmique de bon escient) de transmettre la connaissance de la sagesse éternelle, l'une consciemment (le Tibétain), l'autre inconsciemment (Hahnemann).

Concluons. La conception d’Hahnemann sur les maladies chroniques paraît surannée et non réhabilitable comparée aux pertinentes classifications de la médecine actuelle. Elle représente, pour nos têtes modernes, une parmi les pseudo sciences confuses et très approximatives des hommes jadis. Sauf qu’aujourd’hui, la science moderne, surtout avec la physique quantique, commence à interroger le monde immatériel. Plus de 200 ans après l’immatérielle homéopathie d’Hahnemann. Et elle fait des découvertes étonnantes. Qui ne contredisent pas les propos des sages anciens, ni ceux d’Hahnemann. Il y a ainsi lieu de s’attarder un peu sur les propos de cet homme singulier, à sa façon de regarder nos charges collectives, toutes reposant, finalement, sur trois sources communes. La médecine du futur est peut-être aussi là.

 

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1 KAICI Moulay : Sentir la guérison - Editions Connaissances et Savoirs- Paris, 2020

2 Ibid., page 53

3 Ibid., page 54

4 Hahnemann : Traité des Maladies chroniques - Editions Boiron, page 111

5 KAICI Moulay : Sentir la guérison - Editions Connaissances et Savoirs, page 63

6  Hahnemann : Traité des Maladies Chroniques, page 115

7 Paralysie générale : dégénérescence massive et diffuse prédominant aux lobes frontaux et temporaux (inversion complète avec atteinte postérieure et "intérieure", par opposition à l'atteinte "externe" de la paralysie générale) et par ailleurs plus précise de la moelle. Cliniquement, constituée d'incoordination, de troubles du langage, de l'écriture, d'affaiblissement progressif de l'intelligence puis, perte de l'automatisme, euphorie, délires de grandeur, de persécution et parfois actes médico-légaux.

8  Leucoplasie : transformation en plaques blanchâtres, cornées de la partie supérieure de l'épithélium.

9  Anévrisme : poche formée sur le trajet d'une artère par la dilatation de ses parois.

10 Tabès : sclérose progressivement ascendante des cordons postérieurs de la moelle avec atrophie des racines postérieures. Les tréponèmes ne sont jamais retrouvés dans la moelle. Caractérisée cliniquement par de l'incoordination motrice mais avec conservation de la force musculaire, par de l'aréflexie tendineuse en rapport avec troubles de la sensibilité profonde (abolition de la sensibilité articulaire, osseuse, viscérale...) contrastant avec les douleurs fulgurantes et les dysthésies traçantes.

11 Patrick Drouot : Nous sommes tous immortels - Des vies antérieures aux vies futures - Guérison spirituelle et immortalité, etc. - Éditions du Rocher.

12 Alice A. Bailey : La guérison ésotérique - Tome 1 - Édition Lucis Press Ltd.

13  Ibid., page 207

14  Ibid., page 221

15  Ibid., page 64

16  Ibid., page 216-217

17  Ibid., page 216 

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